Rémunération variable : un levier de performance à manier avec précaution

Réunion de travail sur les objectifs et primes de performance des salariés

Rémunération variable : un levier de performance à manier avec précaution

Dans de nombreuses entreprises, la rémunération variable (prime, commission, bonus) est un outil de motivation et de performance. Pourtant, sa mauvaise rédaction ou son application hasardeuse peut exposer l’employeur à un contentieux coûteux.

La jurisprudence sociale est constante : la rémunération variable doit être encadrée par des critères objectifs, précis et transparents. Elle constitue un élément du contrat de travail lorsqu’elle est prévue contractuellement, ce qui implique un régime juridique strict.

Encadrement juridique de la rémunération variable

La rémunération variable n’est pas une simple faculté pour l’employeur. Dès lors qu’elle est convenue contractuellement ou résulte d’un usage constant, elle devient opposable et exigible.

Le Code du travail n’encadre pas directement la prime de manière autonome, mais les principes de droit commun du contrat de travail s’appliquent :

  • L’employeur ne peut modifier unilatéralement un élément contractuel,

  • Les objectifs doivent être fixés de manière claire et atteignable,

  • Le versement d’une prime ne peut être conditionné par des critères ambigus.

Trois erreurs fréquentes à éviter

1. Absence de critères clairs d’attribution

Une prime doit reposer sur des objectifs mesurables : chiffre d’affaires, nombre de contrats signés, résultats individuels…
S’ils ne sont pas fixés, le salarié pourrait réclamer la prime systématiquement, même sans atteindre de performance, au motif d’un usage constant ou d’un droit acquis.

2. Modification unilatérale des conditions

Dès lors qu’une prime figure dans le contrat, toute modification nécessite l’accord du salarié.
Une suppression ou une baisse des montants ou des objectifs sans son consentement peut constituer une modification unilatérale du contrat, susceptible d’être requalifiée en manquement grave de l’employeur.

3. Omission de clause de présence en cas de départ

Le cas classique : un salarié quitte l’entreprise après avoir atteint ses objectifs, mais l’employeur refuse le versement de la prime au motif de son départ.

À défaut de clause spécifique dans le contrat prévoyant une condition de présence au moment du versement, la prime est due de plein droit.

Conséquences juridiques pour l’employeur

Une mauvaise rédaction ou une gestion hasardeuse des primes peut entraîner :

  • La requalification de la prime en élément de salaire

  • Un rappel de salaires, avec intérêts et congés payés afférents

  • Des dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat

  • Un risque de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse si le différend dégénère


Conseil de l’avocat

Pour sécuriser votre politique de rémunération variable :

  • Intégrez une clause claire et détaillée dans les contrats de travail (montant, conditions, objectifs)

  • Mettez à jour les objectifs annuellement, avec trace écrite de leur communication au salarié

  • Prévoyez une clause de présence à la date de versement si vous souhaitez en faire une condition

  • Évitez toute modification unilatérale sans avenant écrit signé du salarié


À retenir
La rémunération variable, bien encadrée, est un formidable outil de fidélisation et de performance. Mal maîtrisée, elle devient un terrain glissant sur le plan prud’homal.


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Licenciement après un temps partiel thérapeutique : comment calculer l’indemnité de licenciement ?

Responsable RH consultant un dossier de licenciement en arrêt maladie

Lorsqu’un salarié est licencié alors qu’il est en arrêt maladie à la suite d’un temps partiel thérapeutique, l’employeur doit être particulièrement attentif au mode de calcul de l’indemnité de licenciement. Une erreur d’assiette peut facilement entraîner un contentieux.

Dans un arrêt du 5 mars 2025 (Cass. soc., n° 23-20.172), la Cour de cassation précise les modalités applicables. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à neutraliser les effets de l’état de santé sur la rémunération de référence.


Neutralisation du temps partiel thérapeutique et de l’arrêt maladie

L’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur l’état de santé. Or, en cas de temps partiel thérapeutique, la rémunération est par définition réduite. La Cour considère que l’on ne peut retenir cette rémunération réduite pour calculer une indemnité de licenciement.

Ce principe vaut également pour l’arrêt maladie qui suit : l’absence de travail ne peut justifier une minoration de l’indemnité.

🔎 En clair : l’indemnité doit être calculée sur la base du salaire à temps plein, perçu avant le temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail.


Ce que précise la Cour dans l’affaire du 5 mars 2025

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour inaptitude demandait un complément d’indemnité, soutenant que le calcul retenu était basé sur un salaire minoré par le temps partiel thérapeutique.

La Cour de cassation lui donne raison :

  • Le salaire de référence doit être déterminé selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du Code du travail,

  • Le calcul doit reposer sur la rémunération des 12 ou 3 mois précédant l’aménagement thérapeutique,

  • Le temps partiel thérapeutique et l’arrêt maladie doivent être écartés du calcul.


Points de vigilance pour les employeurs

  1. Toujours identifier si un temps partiel thérapeutique a été mis en place avant le licenciement.
  2. Ne jamais utiliser la rémunération réduite comme base de calcul, même si elle couvre les 12 ou 3 derniers mois.
  3. Veiller à sécuriser vos pratiques internes (bulletins, avenants, historique RH) pour éviter tout litige post-rupture.

Notre conseil

En cas de doute sur l’assiette de calcul applicable, notamment en présence d’aménagements de poste ou d’arrêts de travail, il est recommandé de procéder à un audit du dossier avant la notification du licenciement.

Un échange avec votre conseil juridique vous permettra d’ajuster la base de calcul et d’éviter toute contestation sur le montant versé au salarié.


Référence : Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-20.172
Articles : L. 1132-1, L. 1234-9, R. 1234-4 du Code du travail

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Un salarié conserve sa ligne téléphonique après son départ : que peut faire l’employeur ?

un salarié conserve sa ligne téléphonique

Lorsqu’un salarié quitte l’entreprise, la restitution du matériel mis à disposition ne pose généralement pas de difficulté. Pourtant, un risque juridique réel subsiste lorsqu’un collaborateur conserve la ligne téléphonique professionnelle, parfois à l’insu de l’employeur.

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions utiles sur ce point dans un arrêt du 5 février 2025 (n° 22-23.730 F-D).

Le cas d’espèce : une ligne transférée à titre personnel

Un responsable commercial licencié restitue son téléphone professionnel… mais fait transférer la ligne à son nom personnel, sans autorisation. L’entreprise, soucieuse de reprendre le contrôle de ce canal de communication client, saisit le juge des référés.

La Cour d’appel, puis la Cour de cassation, donnent raison à l’employeur :

  • le salarié n’apportait pas la preuve d’un usage personnel autorisé,

  • la ligne avait été souscrite et financée par l’entreprise,

  • aucun avantage en nature ou tolérance d’utilisation privée n’était établi.

Le transfert unilatéral de la ligne a été considéré comme une fraude aux droits de l’entreprise.

Un recours rapide possible : le référé prud’homal

La Cour rappelle qu’en vertu de l’article R. 1455-7 du Code du travail, une formation de référé peut ordonner l’exécution d’une obligation de restitution, dès lors que l’existence de cette obligation n’est pas sérieusement contestable.

Cela permet à l’employeur d’agir sans attendre un jugement au fond, pour préserver ses intérêts commerciaux et limiter le risque de détournement de clientèle.

Ce qu’il faut retenir côté employeur

  1. Anticipez la restitution de tous les outils de travail lors du départ du salarié, y compris les actifs immatériels comme une ligne téléphonique.
  2. Vérifiez le caractère strictement professionnel de la ligne : abonnements, usage, facturation, documentation… tout doit démontrer l’appartenance à l’entreprise.
  3. En cas de doute ou de rétention injustifiée, saisissez le juge des référés pour éviter que l’ancien salarié continue à exploiter à son compte les moyens de contact de l’entreprise.

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